On sait que la vitesse excessive est, avec l’abus d’alcool, l’une des causes les plus fréquentes d’accidents graves de la circulation. Suivant les dernières statistiques du gouvernement la vitesse serait même, à elle seule, responsable de 91% des accidents routiers mortels survenus en 2008 (Lien).

Pour y faire face, la police multiplie les contrôles de vitesse au moyen de radars mobiles.

L’usage de détecteurs de radar, c’est-à-dire d’appareils qui permettent de repérer la présence des radars mobiles en captant les ondes émises par ces derniers, est interdit par l’article 8bis du Code de la route1 la route depuis 1993:

Sera passible d’un emprisonnement de huit jours à 1 an et d’une amende de 251 à 5.000 euros ou d’une de ces peines seulement toute personne qui aura mis en vente, vendu, acquis, importé, détenu, utilisé, adapté, placé, appliqué ou transporté à un titre quelconque un appareil, dispositif ou produit destiné soit à déceler la présence, soit à perturber le fonctionnement d’instruments servant à la constatation des infractions punies en vertu de la présente loi et des règlements pris en son exécution.

L’interdiction ne vise pas les simples avertisseurs de radar. On désigne par ce nom des appareils qui se bornent à communiquer à leurs utilisateurs des informations accessibles au public. On songe notamment aux appareils de navigation par GPS qui peuvent comporter des avertissements sur les lieux où les contrôles sont fréquents, voire la liste des contrôles annoncés à l’avance par les forces de police.

La justice luxembourgeoise vient de s’intéresser aux avertisseurs de radar dits communautaires qui permettent, moyennant un abonnement à un service spécifique, l’échange d’informations entre les automobilistes sur les contrôles au moment même où ceux-ci se déroulent. Le détenteur d’un tel appareil qui observe un contrôle de vitesse doit simplement appuyer sur un bouton et les coordonnées GPS du lieu où il se déroule sont aussitôt transmises par le réseau GSM aux autres abonnés du même service, et ce pratiquement en temps réel.

L’affaire qui a donné lieu à cette décision débuta en juin 2010 lorsque la police saisit dans le véhicule d’un conducteur qui venait de commettre un excès de vitesse un appareil de fabrication française permettant justement un tel échange d’informations en temps réel.

Même si l’engin n’avait, en l’espèce du moins, guère démontré son efficacité, le Parquet poursuivit le conducteur, estimant qu’il s’agissait d’un appareil permettant de déceler les radars au moyen d’un échange d’informations entre conducteurs permettant de révéler les contrôles de radar en temps réel et de façon systématique tant dans l’espace que dans le temps, supprimant ainsi tout aléa.

La Cour d’appel vient de confirmer par un arrêt du 4 mai 20102 l’acquittement dont le conducteur avait déjà bénéficié en première instance. D’après cette décision l’usage d’appareils de ce nouveau type n’est donc, dans l’état actuel de notre droit en tout cas, pas interdite.

Selon l’arrêt, l’élément décisif de l’infraction est la suppression de toute incertitude quant aux lieux où se déroulent des contrôles de vitesse:

Le critère décisif de la prohibition est la suppression de l’aléa dans l’avertissement de la présence d’un radar.

Le critère étant posé, la Cour estime que les systèmes du type de celui qui était incriminé ne tombent pas sous l’interdiction de la loi car ils ne permettent pas la détection systématique des contrôles:

En pratique lorsqu’un utilisateur d’un appareil du type «…», aperçoit, respectivement croit apercevoir un contrôle radar sur la route, il pousse sur un bouton qui transmet cette information via GPS et GSM à la communauté des utilisateurs des appareils de ce type.

Il en résulte que ces utilisateurs peuvent être avertis de la présence d’un radar mobile à condition qu’un autre utilisateur ait vu le radar et ait communiqué cette information aux autres utilisateurs. Il se peut cependant très bien que le radar n’ait pas été détecté par un autre utilisateur et dans ce cas la présence du radar n’est pas décelée. Il se peut tout aussi bien que l’utilisateur qui pousse sur le bouton pour avertir les autres usagers de la présence d’un radar, se soit trompé, parce que notamment les policiers qu’il a vus n’ont pas procédé à un contrôle de vitesse, ou que les policiers étaient en train de ranger leur matériel parce que le contrôle de vitesse avait pris fin. Par ailleurs, d’après le mode d’emploi de l’appareil saisi, l’information de la présence d’un radar reste disponible pendant une heure  pour les autres usagers qui se trouvent à une distance plus ou moins éloignée du radar annoncé. Il en résulte un aléa supplémentaire: étant donné qu’il n’est pas certain que le contrôle radar, à supposer qu’il ait bien eu lieu, soit encore en cours au moment où les différents usagers font leur passage à l’endroit indiqué.

L’appareil litigieux ne permet dès lors pas de déceler de façon systématique la présence d’un radar, comme le ferait un détecteur de radar qui capte les ondes émises par ce dernier, mais il se borne à mettre en rapport une communauté d’usagers de la route et rend possible l’avertissement d’un éventuel contrôle radar. [Ainsi], cet appareil ne permet de toute évidence pas d’écarter tout aléa dans la découverte des contrôles radar.

La Cour en déduit que l’appareil litigieux n’est pas visé par la loi.

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Notes
  1. Article 8bis de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques []
  2. Cour d’appel, 10e Chambre, 4 mai 2011, n° 234/11 X []

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