La crise sanitaire actuelle due à la pandémie du virus Covid-19 a engendré de nombreuses adaptations et modifications du Code du travail. Voici un aperçu des mesures impactant directement les employeurs établis au Grand-Duché.
A titre liminaire, il convient de rappeler que chaque employeur est obligé, aux termes de l’article L. 312-1 du Code du travail, d’assurer la sécurité et la santé des salariés dans tous les aspects liés au travail. Cette obligation passe tout d’abord par l’évaluation des circonstances dans lesquelles les salariés peuvent être exposés au virus et la mise en œuvre de mesures appropriées pour limiter le risque de transmission.
L’Inspection du Travail et des Mines a insisté sur les mesures suivantes :
– Les règles de distanciation (2 mètres minimum) et les gestes barrières, simples et efficaces, doivent impérativement être respectés ;
– L’employeur doit s’assurer que les mesures de sécurité et de santé mises en place sont effectivement respectées, que savons, gels hydro-alcooliques et le cas échéant des gants et des masques sont disponibles ;
– Les réunions doivent être limitées au strict nécessaire, respectivement être tenues en visioconférence ;
– Les regroupements de salariés dans des espaces réduits doivent être limités ;
– Tous les déplacements non indispensables doivent être annulés ou reportés ;
– Une désinfection et un lavage fréquent des locaux, sols et surfaces sont recommandés.1
L’employeur se retrouve dans une délicate posture : comment préserver son activité tout en respectant son obligation légale d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés ? Outre ces questions sanitaires, comment limiter les conséquences financières ?
1. La sauvegarde de l’activité…
1.1. Le chômage partiel
Afin de faire face à la baisse voire à la cessation complète de l’activité économique et de limiter les licenciements, l’employeur a la possibilité de recourir au chômage partiel « cas de force majeure/coronavirus ». Concrètement, l’employeur sera autorisé à diminuer (totalement ou partiellement) la durée de travail de tout ou partie de ses salariés et de bénéficier de subventions étatiques l’indemnisant d’une partie de la rémunération versée aux salariés concernés.
Qui peut en bénéficier ?
Toutes les entreprises de tous les secteurs économiques peuvent en bénéficier dès lors que la baisse voire la cessation de leur activité est directement liée avec le virus.
Quels salariés peuvent en bénéficier ?
Les salariés en contrat à durée déterminée ou indéterminée qui ne peuvent plus être occupés à temps complet (voire plus du tout) et qui ne sont pas couverts par un certificat d’incapacité de travail. Exceptionnellement, les apprentis peuvent également bénéficier de ce régime.
Comment en bénéficier ?
La demande peut être introduite directement en ligne sur le site guichet.lu. Elle est à renouveler mensuellement.
Attention, aux termes de l’article L. 511-6 (1) du Code du travail, l’employeur doit informer et entendre au préalable la délégation du personnel ainsi que les organisations syndicales si l’entreprise est liée par une convention collective de travail. Cette obligation semble maintenue en dépit des difficultés pratiques qu’elle peut engendrer.
Quelle rémunération le salarié percevra-t-il ?
Dans l’hypothèse où le salarié continue à travailler (ou à télétravailler), chaque heure prestée sera payée à 100 % de sa rémunération habituelle.
Dans l’hypothèse où le salarié ne peut plus travailler (totalement ou partiellement), chaque heure chômée sera rémunérée 80 % de son salaire dans la limite de 250 % du salaire social minimum (5.354,98 EUR brut à l’indice 834,76). A noter toutefois que ce montant ne peut être inférieur au salaire social minimum non qualifié.
Qui paie le salarié pour les heures chômées ?
L’employeur va verser au salarié une indemnité compensatoire s’élevant à 80 % du salaire dans la limite de 250 % du salaire social minimum (5.354,98 EUR brut à l’indice 834,76) mais l’employeur demeure libre de maintenir la totalité de la rémunération du salarié. In fine, la charge financière de cette indemnité de compensation incombe au Fonds pour l’emploi dans les limites décrites précédemment.
Quelles sont les obligations pour les employeurs bénéficiant du chômage partiel ?
Selon l’article L. 511-3 du Code du travail, l’employeur s’engage à maintenir le contrat de travail de son personnel. Des licenciements justifiés par des motifs économiques ne sont pas autorisés.
1.2. Le télétravail
« Bleift Doheem ! » constitue le leitmotiv du gouvernement depuis plus d’un mois. La meilleure manière pour respecter cette recommandation et d’autoriser le télétravail.
En temps normal, le télétravail ne peut être imposé au salarié. Cependant, le gouvernement semble enclin à admettre que l’employeur peut, eu égard à la crise actuel, imposer le télétravail au salarié.2
Un accord a été trouvé avec les pays limitrophes (Allemagne, France et Belgique) pour considérer que les journées de télétravail des travailleurs frontaliers ne sont pas comptabilisées pour établir si le salarié est soumis à la fiscalité et à la sécurité sociale de son pays de résidence.
2. … tout en préservant les intérêts des salariés
Si le chômage partiel et le télétravail ont été adaptés aux exigences actuelles, des textes dérogatoires voient le jour pour ainsi dire quotidiennement pour protéger au mieux les salariés.
2.1. La période d’essai
La période d’essai est suspendue pendant l’état de crise.3
Quelles sont les entreprises concernées ?
Les entreprises directement touchées par les décisions de fermeture prises par le gouvernement et les entreprises admises au chômage partiel pour cas de force majeure Covid-19.
Quels sont les contrats concernés ?
Les contrats d’apprentissage, les CDI, les CDD et les contrats de mission des travailleurs intérimaires.
2.2. L’incapacité de travail
Les règles en matière de maladie n’ont pas changé (information de l’employeur le jour même de l’incapacité de travail et envoi du certificat médical dans les trois jours).
Le délai de protection de vingt-six semaines pendant lequel le salarié est protégé contre le licenciement est suspendu pendant la durée de l’état de crise. Par conséquent, pendant la période de suspension, l’employeur averti de l’incapacité de travail de son salarié n’est pas autorisé à procéder à son licenciement, sauf pour motif grave, ou le convoquer à l’entretien préalable.4
A noter par ailleurs que la Caisse Nationale de Santé prendra en charge les indemnités pécuniaires de maladie à partir du 1eravril jusqu’à la fin du mois de calendrier au cours duquel l’état de crise prend fin.5
2.3. Le congé pour raisons familiales
Les écoles et structures de garde étant fermées, le salarié peut opter pour ce congé pour garder ses enfants de moins de 13 ans.
Dans ce cas :
– L’employeur ne peut refuser ce congé ;
– Le congé peut être pris même si le salarié avait la possibilité d’un télétravail ;
– Le congé peut également être pris pendant les vacances scolaires ;
– Un salarié ne peut bénéficier du congé si l’autre parent est en chômage partiel ;
– Le salarié doit informer son employeur le jour-même de son absence ;
– Le salarié doit remplir le formulaire spécifique et le renvoyer à son employeur et à la CNS.
Ce congé équivaut à une période de maladie, le licenciement est donc interdit sauf en cas de licenciement pour faute grave.
2.4. La résiliation de plein droit du contrat de travail
Pour éviter que des salariés ne perdent leur emploi pendant la crise, les périodes d’incapacité de travail se situant entre le 18 mars et la fin de l’état de crise, ne sont pas mis en compte pour le calcul des 78 semaines engendrant la résiliation de plein droit du contrat de travail.6
3. … ou pas !
3.1. La durée du travail
La durée de travail maximale peut être portée jusqu’à douze heures par jour et soixante heures par semaine à condition que l’entreprise en question en fasse la demande au Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire.7
Quelles sont les entreprises concernées ?
La mesure concerne les entreprises dont l’activité correspond :
– aux activités qui restent autorisées selon l’article 3(2) du règlement grand-ducal modifié du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ;
– aux activités essentielles pour le maintien des intérêts vitaux de la population et du pays et qui sont visées par l’alinéa premier de l’article 5 du même règlement.
3.2. L’annulation des congés
Un employeur a la possibilité de refuser des congés ou d’annuler des congés déjà accordés à son salarié dans les entreprises exerçant des activités qui sont essentielles pour le maintien des intérêts vitaux de la population et du pays.8
Anne Charton, associée, avocat à la Cour
Attention: Ce document a été mis à jour pour la dernière fois le 14 avril 2020.
Notes
- https://itm.public.lu/fr/actualites/communiques/2020/securite-sante.html. [↩]
- https://meco.gouvernement.lu/fr/dossiers/2020/coronoavirus-entreprises.html [↩]
- Règlement grand-ducal du 1er avril 2020 portant dérogation aux articles L. 111-3, L. 121-5, L. 122-11 et L. 131-7 du Code du travail. [↩]
- Règlement grand-ducal du 8 avril 2020 portant dérogation à l’article L. 121-6 du Code du travail. [↩]
- Règlement grand-ducal du 3 avril 2020 portant dérogation aux dispositions des articles 11, alinéa 2, 12, alinéa 3, 14, alinéa 2 et 428, alinéa 4 du Code de la sécurité sociale et L.121-6, paragraphe 3 du Code du travail. [↩]
- Règlement grand-ducal du 3 avril 2020 portant dérogation aux dispositions des articles 11, alinéa 2, 12, alinéa 3, 14, alinéa 2 et 428, alinéa 4 du Code de la sécurité sociale et L.121-6, paragraphe 3 du Code du travail. [↩]
- Règlement grand-ducal du 27 mars 2020 portant introduction d’une dérogation à l’article L. 211-12 du Code du travail. [↩]
- Règlement grand-ducal du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. [↩]
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