C. Décision de la Cour

Principe:

Il est constant que le droit de l’Union ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale et que, en l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union européenne, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions d’octroi des prestations en matière de sécurité sociale, il demeure toutefois que, dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent respecter le droit de l’Union, notamment les dispositions relatives à la libre prestation des services (voir, notamment, arrêts du 12 juillet 2001, Smits et Peerbooms, C‑157/99, Rec. p. I‑5473, points 44 à 46; du 13 mai 2003, Müller-Fauré et van Riet, C‑385/99, Rec. p. I‑4509, point 100; du 16 mai 2006, Watts, C‑372/04, Rec. p. I‑4325, point 92, ainsi que du 5 octobre 2010, Elchinov, C‑173/09, non encore publié au Recueil, point 40)

À cet égard, l’article 49 CE s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre (arrêts du 28 avril 1998, Kohll, C‑158/96, Rec. p. I‑1931, point 33, et du 15 juin 2010, Commission/Espagne, C‑211/08, non encore publié au Recueil, point 55).

Application au cas d’espèce:

La Cour constate que

si la réglementation nationale relative à la sécurité sociale ne prive pas les assurés sociaux de la possibilité d’avoir recours à un prestataire de services médicaux établi dans un État membre autre que le Grand-Duché de Luxembourg, il n’en demeure pas moins qu’elle ne permet pas le remboursement des frais des soins fournis par un prestataire non conventionné, alors que ce remboursement constitue le seul moyen de prendre en charge de tels soins.

Or, dans la mesure où il est constant que le régime luxembourgeois de sécurité sociale repose sur un système de conventionnement obligatoire des prestataires, les prestataires ayant conclu une convention avec les caisses de maladie luxembourgeoises sont principalement ceux établis dans cet État membre.

En effet, il serait certes loisible aux caisses de maladie d’un État membre de conclure des conventions avec des prestataires situés en dehors du territoire national. Toutefois, il apparaît, en principe, illusoire d’imaginer qu’un nombre important de prestataires situés dans les autres États membres soient amenés à conclure des conventions avec lesdites caisses de maladie, dès lors que leurs perspectives d’accueillir des patients affiliés à ces caisses demeurent aléatoires et restreintes (voir, en ce sens, arrêt Müller-Fauré et van Riet, précité, point 43).

Par conséquent, dans la mesure où l’application de la réglementation luxembourgeoise en cause revient à exclure, de fait, la possibilité de prise en charge des analyses et des examens de laboratoire, au sens de l’article 24 du code de la sécurité sociale, effectués par la quasi-totalité, voire la totalité, des prestataires de services médicaux établis dans des États membres autres que le Grand-Duché de Luxembourg, elle décourage, ou même empêche, les personnes affiliées à la sécurité sociale luxembourgeoise de s’adresser à de tels prestataires et constitue, tant pour celles-ci que pour les prestataires, un obstacle à la libre prestation des services.

La Cour en conclut qu’

En conséquence, il convient de constater que, en n’ayant pas prévu, dans le cadre de sa réglementation relative à la sécurité sociale, la possibilité de prise en charge des frais afférents aux analyses et aux examens de laboratoire, au sens de l’article 24 du code de la sécurité sociale, effectués dans un autre État membre, au moyen d’un remboursement des frais avancés pour ces analyses et examens, mais en ayant prévu uniquement un système de prise en charge directe par les caisses de maladie, le Grand-Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE.

Pour être complet, il convient de préciser que la Cour n’a toutefois pas condamné le Luxembourg en ce qui concerne l’article 12 des statuts des caisses de maladie, estimant que la Commission n’avait pas rapporté la preuve de la violation du droit communautaire. En effet, comme l’a rappelé la CJUE dans son arrêt, dans le cadre d’une procédure en manquement:

Il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué en apportant à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement (voir, notamment, arrêts du 29 avril 2010, Commission/Allemagne, C‑160/08, non encore publié au Recueil, point 116, et Commission/France, précité, point 56).

A l’analyse des éléments avancés par la Commission, la Cour n’a pu constater l’existence d’un quelconque manquement.

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Photo d’illustration: Cour de Justice de l’Union européenne

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