Par arrêt du 14 décembre 2010 la Cour européenne des droits de l’homme a sanctionné la législation luxembourgeoise sur l’exécution des peines, critiquée alors qu’elle ne prévoit pas de voies de recours effectives contre les décisions du Procureur général en matière de congé pénal.

L’affaire avait été introduite par un ressortissant français condamné à quinze ans de réclusion pour coups et blessures volontaires, viol et séquestration avec tortures, qui avait présenté, entre 2003 et 2006, plusieurs demandes de congé pénal, motivées notamment par le souhait d’accomplir des formalités administratives et de suivre des cours en vue de l’obtention de diplômes. Ses demandes furent toutes refusées.

Le requérant invoqua l’article 6, § 1er  (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l’homme, mettant en cause l’équité de la procédure et estimant avoir été privé de l’accès à un tribunal dans le cadre des décisions de refus de ses demandes de congé pénal.

La Cour admit le bien-fondé de la requête après avoir constaté qu’il n’existe aucun recours juridictionnel effectif contre ce type de décisions dans le cadre législatif actuel.

Signalons que le le ministre de la Justice avait, au cours de l’année 2010, annoncé sa volonté de créer à l’occasion d’une prochaine réforme, la fonction d’un juge chargé de l’application des peines. Le projet de loi n’a cependant pas encore vu le jour.

À la page suivante: Extraits de l’arrêt de la Cour et lien vers le document complet.

Extraits de l’arrêt de la Cour:

73.  Aux fins de l’article 6 § 1, un tribunal ne doit pas nécessairement être une juridiction de type classique, intégrée aux structures judiciaires ordinaires. Ce qui importe pour assurer l’observation de l’article 6 § 1, ce sont les garanties, tant matérielles que procédurales, mises en place (Rolf Gustafson c. Suède, 1er juillet 1997, § 45, Recueil des arrêts et décisions 1997‑IV). Ainsi, un « tribunal » se caractérise au sens matériel par son rôle juridictionnel : trancher, sur la base de normes de droit et à l’issue d’une procédure organisée, toute question relevant de sa compétence (Argyrou et autres c. Grèce, no 10468/04, § 24, 15 janvier 2009). Il doit aussi remplir une série d’autres conditions – indépendance, notamment à l’égard de l’exécutif, impartialité, durée du mandat des membres, garanties offertes par la procédure – dont plusieurs figurent dans le texte même de l’article 6 § 1 (Demicoli c. Malte, 27 août 1991, § 39, série A no 210).

74.  En l’occurrence, il ressort de la loi de 1986 que les décisions relatives aux demandes de congé pénal sont prises par le procureur général d’Etat ou son délégué, de l’accord majoritaire d’une commission qui comprend, outre le procureur général d’Etat ou son délégué, un magistrat du siège et un magistrat d’un des parquets. Cette commission est convoquée par le procureur général d’Etat ou son délégué ; la présidence est assurée par le magistrat du siège. La loi de 1986 n’organise pas de débats publics devant la commission pénitentiaire.

(…)

76.  La Cour rappelle ensuite que, lorsqu’un organe juridictionnel, telle la commission pénitentiaire, chargé d’examiner des contestations portant sur des « droits et obligations de caractère civil » ne remplit pas toutes les exigences de l’article 6 § 1, il ne saurait y avoir violation de la Convention si la procédure devant elle a fait l’objet du contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction présentant, lui, les garanties de l’article 6 (mutatis mutandis, Albert et Le Compte c. Belgique, 10 février 1983, § 29, série A no 58 ; Crompton c. Royaume-Uni, no 42509/05, § 70, 27 octobre 2009).

77.  En l’espèce, le requérant avait introduit un recours en annulation des deux premières décisions de refus de la commission pénitentiaire, mais tant le tribunal administratif que la cour administrative se sont déclarés incompétents pour en connaître.

78.  Ainsi, les juridictions administratives n’ont pas statué sur le bien-fondé du recours en annulation présenté par le requérant. La Cour ne peut, par conséquent, que constater que l’absence de toute décision sur le fond a vidé de sa substance le contrôle exercé par le juge administratif sur les décisions de la commission pénitentiaire (mutatis mutandis, Enea c. Italie, précité, § 82 ; Ganci c. Italie, no 41576/98, §§ 29 et 30, CEDH 2003-XI)1.

L’affaire pourrait encore faire l’objet d’un renvoi devant la Grande chambre selon la procédure de l’Article 43 de la Convention2

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Notes
  1. Cour européenne des droits de l’Homme, 14.12.2010, Aff. Boulois c. Luxembourg, Req. n° 37575/04 []
  2. Selon l’article 43.1, «dans un délai de trois mois à compter de la date de l’arrêt d’une chambre, toute partie à l’affaire peut, dans des cas exceptionnels, demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre.» []

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