Un récent arrêt (n° 324/11) de la Chambre du conseil de la Cour d’appel de Luxembourg vient d’apporter quelques éléments de réponse.

Les conseillers devaient toiser les actes d’appel relevés par le Parquet et la partie civile contre une ordonnance de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg qui s’était déclarée incompétente. Les premiers juges intervenaient à l’issue d’une instruction qui avait révélé l’état mentalement déficient d’un homme à qui il était reproché d’avoir fait une dénonciation calomnieuse écrite à autorité, délit visé par l’article 445 du Code pénal.

Un juge d’instruction avait été saisi suite à une plainte avec constitution de partie civile déposée par la victime de la dénonciation. Le magistrat avait posé des actes d’instruction en ordonnant la saisie d’un dossier médical et l’audition du médecin psychiatre traitant le dénonciateur. Il résultait de ces éléments d’enquête que le dénonciateur souffrait de troubles mentaux graves abolissant son discernement et le contrôle de ses actes. Le Procureur d’Etat estimait dans son réquisitoire introductif qu’il  était dès lors inutile d’interroger l’auteur de la calomnie.

Les juges de la juridiction d’instruction de première instance avaient cependant relevé l’absence d’inculpation par le magistrat instructeur et s’étaient déclarés incompétents pour déclarer l’irresponsabilité pénale du dénonciateur.

Il n’y a pas de définition légale de l’inculpation. Le Code d’instruction criminelle ne décrit ni la teneur de cet acte, ni le moment auquel il doit intervenir. La jurisprudence a donc du combler cette lacune et elle retient que la personne contre laquelle le Ministère public a requis nommément une information est partie à l’instance et doit être considérée comme inculpée, bien qu’elle n’ait pas été entendue par le juge d’instruction dans les conditions prévues par la loi.

C’est en effet lors de l’interrogatoire que le juge d’instruction fait connaître à l’inculpé les faits qui lui sont reprochés et fait ainsi naître des droits dans le chef de l’inculpé.

Or comment peut-on exiger qu’un homme affecté d’un trouble mental grave puisse recevoir notification de son inculpation? Comment cet homme pourrait-il comprendre sa situation juridique? En outre, l’article 71 du Code pénal ne se réfère pas à un inculpé, mais vise une personne:

“N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, de troubles mentaux ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.”

Après avoir constaté que l’enquête a révélé des charges suffisantes de culpabilité à l’égard de Monsieur P. d’avoir été l’auteur des faits lui reprochés par le plaignant, les conseillers de la Chambre du conseil de la Cour d’appel relèvent que le dossier médical et l’audition du médecin traitant révèlent que Monsieur P. souffre de troubles mentaux graves abolissant son discernement et le contrôle de ses actes.

Les juridictions d’instruction doivent en effet faire ce constat préalable. Un précédent arrêt (n° 825/10) de la Chambre du conseil de la Cour d’appel de Luxembourg avait, en novembre 2010, précisé que

“la juridiction d’instruction ne peut constater l’irresponsabilité pénale d’une personne inculpée qu’au moment où elle est appelée à décider s’il existe des charges suffisantes permettant de croire que l’inculpé a commis les faits dans les circonstances de réalisation qui tombent sous l’application de la loi pénale.”

Les conseillers apportent cette fois une nouvelle précision et décident que

” l’application de l’article 71 alinéa 1er du Code pénal ne nécessitant pas d’inculpation préalable, il y a lieu de dire, par réformation de l’ordonnance entreprise, que Monsieur P. n’est pas pénalement responsable des faits que l’enquête a révélé, alors qu’il fut atteint à ce moment de troubles mentaux graves ayant aboli son discernement et le contrôle de ses actes.”

Les conseillers de la Chambre du conseil siégeant en instance d’appel se déclarent compétents et arrivent à la conclusion qu’il n’y a pas lieu à suivre.

 

 

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