Le Code du travail interdit à l’employeur de licencier un salarié pendant la durée d’une maladie documentée par un certificat médical. Il arrive cependant que l’employeur suspecte le médecin d’avoir été trop crédule en présence d’un salarié simulateur, voire même d’avoir émis, en pleine connaissance de cause, un certificat de complaisance.

La loi ne prévoit aucun mécanisme exprès permettant à l’employeur de contrôler la réalité de la maladie, mais la pratique admet la possibilité d’inviter le salarié à se présenter chez un médecin choisi par l’employeur pour un examen de contrôle.

Selon une jurisprudence constante le certificat du médecin du salarié constitue une présomption que le salarié est effectivement incapable de travailler. Puisqu’il ne s’agit que d’une présomption simple, la preuve contraire est admise. Pour essayer de démontrer que l’incapacité de travail du salarié n’est pas réelle, l’employeur a le droit de demander à son salarié de se faire examiner par un médecin de contrôle choisi par l’employeur.

Un arrêt de la Cour d’appel du 14 juin 2012 valide cette pratique et apporte de surcroît des éclaircissements intéressants sur la valeur probatoire des certificats médicaux.

L’affaire concernait une salariée qui avait été déclarée inapte au travail par deux médecins spécialistes en raison de problèmes neurologiques. L’employeur lui avait demandé de se faire examiner par deux médecins de contrôle généralistes qui étaient tous les deux arrivés à la conclusion inverse et l’avaient déclarée apte au travail.

Au vu de ce ce constat, la salariée fut licenciée au motif d’une absence injustifiée, licenciement qu’elle contesta alors devant les juridictions du travail.

Les juges lui donnèrent cependant tort dans les deux instances.

En première instance le tribunal du travail considéra que

«La présomption simple attachée aux certificats médicaux produits par la salariée pour justifier de son incapacité de travailler a été utilement renversée par les conclusions des deux médecins de contrôle et que donc le jour du licenciement, elle ne se trouvait pas protégée contre ce dernier et que d’autre part le motif gisant à la base du licenciement, à savoir une absence injustifiée était réel et sérieux.»

Cette appréciation fut confirmée par la Cour dans son arrêt du 14 juin 2012:

«Le certificat d’incapacité de travail ne constitue qu’une simple présomption en faveur du salarié qui peut-être renversée par toute preuve contraire. L’employeur peut partant envoyer sa salariée, dont la véracité du certificat médical est mise en doute, chez un médecin de son choix aux fins de contrôle de la réalité de la maladie alléguée par la salariée ».

Ce qui rend la décision du 14 juin 2012 remarquable est le fait que la Cour d’appel estime que la présomption attachée aux certificats de la salariée peut être renversée par des certificats émanant de médecins généralistes mais si les certificats de la salariée émanent de médecins spécialistes.

«(Des certificats médicaux émis par des médecins généralistes) sont tout a fait à même d’être équivalents sinon de primer ceux des médecins spécialistes dès lors que le médecin généraliste est par définition un médecin ayant une connaissance générale de la médecine respectivement une connaissance de la médecine en général;  il est partant tout à fait compétent  en sa qualité de médecin de référence de déceler les maladies psychiques ou psychosomatiques telles des dépressions pour le cas échéant diriger le patient vers le spécialiste compétent».

Il faut cependant noter que d’autres aspects du dossier ont pesé dans la balance. La Cour relève en effet que la décision du médecin de contrôle était assortie d’autres éléments qui font qu’ils sont de nature à prévaloir sur les certificats des médecins spécialistes :

«Par ailleurs la décision du médecin de contrôle assortie d’autres éléments est parfaitement à même de prévaloir sur l’avis du médecin spécialiste de la patiente ; en effet admettre le contraire reviendrait en pratique à placer l’employeur dans l’impossibilité de combattre la présomption d’incapacité attachée à un certificat médical, si le contrôle effectué n’a aucune prépondérance par rapport au certificat émis par le médecin de la salariée.

Il est avéré que l’élément déterminant en l’espèce est constitué par le fait que la cause du malaise de la salariée réside dans des  problèmes relationnels au lieu de travail de cette dernière.

Il résulte en effet tant des certificats des médecins psychiatres de la salariée  que du médecin généraliste M. que l’état de santé de A résulte de ses conditions de travail et plus précisément de la relation conflictuelle qu’elle semble avoir eu avec sa supérieure hiérarchique.

Cependant à la différence de l’employeur, qui ayant eu connaissance des ces problèmes, a organisé un entretien en date du 16 novembre 2009 avec la salariée pour trouver une solution à ces problèmes relationnels et a fait des propositions concrètes pour améliorer la situation de sa salariée, lui laissant même le choix de son  lieu de travail, cette dernière s’est contentée de verser une fois de plus un certificat de maladie sans jamais prendre position quant aux propositions faites par l’employeur».

Un autre aspect de ce dossier qui mérite peut-être d’être relevé concerne l’argument de la salariée qui faisait valoir que ses difficultés de santé trouvaient leur origine dans l’ambiance de travail de l’entreprise et qui cherchait à en rendre responsable son employeur. La Cour est ici sévère à l’égard de l’attitude de la salariée à qui il est reproché de ne pas avoir contribué elle-même à trouver une solution à ses problèmes relationnels avec ses collègues de travail qui seraient à l’origine de ses problèmes de santé. La Cour retient :

«Par cette attitude passive, la salariée se rend elle même responsable de la situation dans laquelle elle se trouve en ne faisant aucun effort concret pour solutionner son problème sur son  lieu du travail et donc pour améliorer son état de santé, ce d’autant plus qu’elle n’indique à aucun moment suivre réellement  une thérapie pour améliorer son état de santé.»

(Cour d’appel, 3e ch., 14 juin 2012, n° 37518 du rôle)

Mise en garde: L’affaire commentée n’est qu’une illustration d’une matière très complexe dans laquelle de nombreux autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte. Faute de texte législatif, la validité des pratiques suivies est soumise à l’appréciation souveraine des juges. Il n’est pas possible de déduire d’une seule décision de justice quelle est l’orientation de la jurisprudence dans son ensemble et par ailleurs un revirement de jurisprudence est toujours possible.

Il est recommandé aux employeurs ou salariés confrontés à un problème de cette nature de s’entourer des conseils d’un avocat.

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