Par son arrêt n°72/12 du 29 juin 2012, la Cour constitutionnelle rétablit l’égalité entre les enfants légitimes et les enfants naturels.

Position du problème: Deux régimes différents réglaient les situations des enfants légitimes et des enfants naturels, non reconnus par leur père:

• d’un côté, l’article 329 du Code civil, applicable aux enfants légitimes, nés dans le mariage, dispose que:

«L’action en réclamation d’état ne peut être intentée que par l’enfant, par ses père et mère ou par ses héritiers.
L’enfant peut l’intenter pendant toute sa vie.
Les père et mère ne peuvent l’intenter que pendant la minorité de l’enfant.
Les héritiers ne peuvent l’intenter que lorsque l’enfant n’a pas réclamé et qu’il est décédé mineur ou dans les cinq années après sa majorité.
Les héritiers peuvent suivre cette action lorsqu’elle a été commencée par l’enfant, à moins qu’il ne s’en fût désisté formellement ou qu’il n’eût laissé périmer l’instance»

• de l’autre côté, l’article 340-4 du Code civil, applicable aux enfants naturels, nés hors mariage, dispose que:

«L’action doit, à peine de déchéance, être exercée dans les deux années qui suivent la naissance de l’enfant.
Si elle n’a pas été exercée pendant la minorité de l’enfant, celui-ci peut encore l’exercer pendant les deux années qui suivent sa majorité.
Dans les deux cas prévus ci-dessus, le titulaire de l’action peut être relevé de la déchéance encourue lorsqu’il y a eu impossibilité matérielle ou morale d’agir endéans les délais prévus.»

En résumé: les enfants naturels voyaient leur action en recherche de paternité cantonnée à deux délais de prescription fermes de deux années prenant cours d’une part à partir de la naissance de l’enfant et d’autre part à partir du jour de sa majorité, là où les enfants légitimes bénéficiaient de imprescriptibilité de leur action en réclamation d’état.

Saisie de la question de la constitutionnalité de l’article 340-4 du Code civil par rapport à l’article 329 du même code, au regard de l’article 10bis de la Constitution qui dispose que «tous les luxembourgeois sont égaux devant la loi», la Cour d’appel n’a eu d’autre choix que de saisir la Cour constitutionnelle.

Par son arrêt, la Cour constitutionnelle en a conclu que

«Considérant, dès lors, que la différence de régime instituée entre les articles 329 et 340-4. du code civil quant au délai d’introduction des actions y respectivement réglées n’est pas rationnellement justifiée ni adéquate ni proportionnée au but de la loi;
D’où il suit que l’article 340-4. combiné à l’article 329 du code civil n’est pas conforme à l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution dans la mesure où il limite le délai d’introduction de l’action de l’enfant qui tend à établir la paternité naturelle à deux ans à partir de sa naissance, sinon à deux ans à partir de sa majorité;
Considérant que le principe d’égalité, au regard des situations comparables en cause, commande d’aligner le délai prévu à l’article 340-4. du code civil, régissant l’action en recherche de la paternité naturelle sur celui prévu à l’article 329 du code civil édictant l’imprescriptibilité de l’action en réclamation d’état d’enfant légitime dans le chef de l’enfant, ceci au vu de l’objectif du législateur d’éliminer «les discriminations existantes entre les différentes catégories de filiation»»

Par conséquent, la Cour constitutionnelle a donc ordonné qu’il y a lieu d’aligner le délai d’introduction prévu à l’article 340-4. du code civil à celui prévu à l’article 329 du code civil et édictant l’imprescriptibilité de l’action de l’enfant.

Voilà une égalité de traitement qui est clairement rétablie et qui permet dorénavant aux enfants naturels touchés par la forclusion de leur action en recherche de paternité, de recouvrer leur droit à faire établir judiciairement leur filiation paternelle.

 

Comments are closed.